Questions septièmes
Au terme des chapitres qui précèdent, forts que nous sommes d’une promenade attentive dans notre Jardin de pensées, le moment est venu de reprendre notre quotidien en mains, la Raison affûtée par de multiples surprises ou… de nombreuses confirmations. Par quoi commencer, cette fois ? En élucidant nos motivations, en identifiant nos biais de pensée, pourrions-nous nous approprier une vision moins truquée de notre monde, des mondes de chacun de nos frères humains et veiller à nous construire le sentiment d’être à notre place, sans œillères ? En d’autres termes, pourrions-nous enfin devenir puissants, libres et… satisfaits ? Le travail préconisé ici sert d’entraînement à une vie puissante et dynamique, une Grande Santé nietzschéenne. Comme évoqué plus haut, au modèle camusien du Mythe de Sisyphe [1942], on préférera la représentation du Jongleur de mondes de Grandville [1844] : à lui comme à nous, les exercices préconisés seraient au nombre de trois, hors desquels point de salut. Pour faire de cette Grande Santé la Joie de chaque matin, commençons par de bonnes résolutions qui soient à notre portée, à savoir une pratique quotidienne d’exercices de jonglerie au nombre de trois. Mais quels sont-ils ?
Méditations septièmes : Chaos par l’absurde
Dans les années 1970, l’écrivain et ministre de la Culture français, André Malraux, a nié avoir prononcé sa célèbre prophétie : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » En ce qui nous concerne, nous devrons déjà attendre l’avènement de l’an 2100 pour savoir si notre siècle aura survécu ou non : les paris sont ouverts et d’aucuns ne miseraient pas une chaussette sur l’avenir de notre monde actuel. Le catastrophisme ambiant – et les pleureuses professionnelles qui le servent – ne favorise pas une vision apaisée de la Vie qui passe, tant la confusion est grande entre la simple fin de l’humanité et une apocalypse complète qui mettrait un terme à l’existence de notre planète. A suivre. Mais, connaître ou ne pas connaître le prochain millénaire, la question est-elle là ?
« Mourir, dormir ; dormir, peut-être rêver ! Ah, voilà le mal ! » Shakespeare mettait le propos dans la bouche d’Hamlet (Hamlet, III, 1) [Shakespeare, 1623] : quand se pose la question de la fin, de la mort, quand l’horizon frappe à votre porte et que vos orteils dépassent au bord du vide, au-dessus du néant, quel rêve peut-on rêver pour conjurer le vertige ? Le monde de nos concitoyens qui regardent le Journal Parlé tous les soirs ressemble plus aux promesses d’apocalypses infernales d’un Jérôme Bosch qu’à son Jardin des Délices…
On l’a vu, contre l’angoisse, la fabulation religieuse est une option ; elle est adoptée par une grande partie du consomtariat mondial [Bard & Söderqvist, 2008] qui, habitué à s’assurer pour l’avenir, rentrera une déclaration de sinistre à l’instant de mourir, dans l’espoir de toucher le pactole dans l’au-delà, la franchise ayant déjà été acquittée par le respect plus ou moins scrupuleux de catéchismes, encadré par des clergés en robe de tous acabits. Écœuré par une telle servilité, Nietzsche commentait ce choix avec sévérité : « La foi sauve, donc elle ment. » Chantre de l’individuation jungienne avant la lettre, Nietzsche voulait que chacun s’affranchisse des dogmes pour exercer sa capacité d’être humain par delà le bien et le mal, entendez ici quelque chose comme : « Homme (ou Femme, bien entendu) ! Ne rumine pas tes dogmes médiocres comme s’ils étaient des vérités mais intègre plutôt l’ineffable loi de la Vie dans ta propre vie et agit sainement, sans devoir être conforme à quelque modèle que ce soit : tu verras, tu es ta propre norme et ça marche ! » Cette invitation est-elle si différente de l’exhortation de Kant à devenir « majeur » puisque, dit-il, « la minorité [de l’homme] consiste dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui » ? C’était pour lui le fondement de la philosophie des Lumières [Kant, 1784].
Ce qui est au centre de notre propos, ici, c’est l’affirmation de Nietzsche sur le « mensonge de la foi ». On respectera les croyances de chacun et personne ne pensera à les critiquer tant que leur exercice n’empiète pas sur le bien commun : en effet, quel vivre-ensemble pourrait-on imaginer s’il devait se plier aux diktats contradictoires de chacune des multiples religions qui cohabitent désormais au sein de chaque nation ? Pour reprendre l’excellente formule d’organisation sociale d’Henri Peña-Ruiz : nous visons le « droit à la différence mais pas la différence de droits. » Au temps pour le vivre-ensemble dans la Cité.
Mais Nietzsche regardait ailleurs, il regardait droit dans les yeux de chaque croyant pour fustiger la foi utilitaire, celle qui permet aux « ruminants » (cette délicate appellation est de Nietzsche lui-même) de croire avec suffisance à des dogmes qui clament que la mort ne sera pas, qu’elle ne sera qu’un passage vers une Cité céleste, que le vertige au bord du néant s’apparente en fait à un problème de digestion, juste bon pour les existentialistes. Dans le sillon tracé par l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra [1883], Camus tient un propos similaire dans le Mythe de Sisyphe [1942] quand il critique l’attitude de celui qui aliène sa liberté sur la base d’un espoir d’au-delà. Nietzsche-Camus, même combat : mettre la religion (et le type d’espoir servile qu’elle entretient) sur le banc des accusés… lorsque l’au-delà conditionne l’ici-bas.
Tel qu’annoncé par l’auteur de L’espoir [1937], on pourrait donc s’accommoder d’un « XXIe siècle religieux » pour peu que la cohabitation avec les mécréants parmi nous soit paisible : en d’autres termes, un siècle de spiritualité privée. Autre chose serait que le romancier français ait annoncé un siècle où prime la croyance, au détriment de la Raison, dans les termes où nous en avons déjà exploré la signification.
Et force est de constater que l’esprit critique ne sort pas vraiment vainqueur de notre changement de siècle. A ce propos, une fine boutade circule d’ailleurs sur les réseaux sociaux qui oppose l’ancien « Je pense donc je suis » cartésien (qui vaut ce qu’il vaut, on l’a vu) au « Je crois donc je sais » de nos actuels ‘ultracrépidariens’. Pour mémoire, les ultracrépidariens sont ces personnes qui donnent leur avis sur tout mais sans avoir de connaissances ou de compétences dans les sujets évoqués. Elles ne se taisent jamais, nous corrigent, nous suggèrent des tonnes de choses, veulent sauver le monde et sous-estiment les véritables experts dans un domaine. L’origine de ce mot remonterait à l’époque du peintre préféré d’Alexandre le Grand, Apelle de Cos (-352). Pendant que l’artiste travaillait sur l’une de ses œuvres, un cordonnier entra dans son atelier pour remettre une commande. Lorsqu’il vit les peintures et les gravures, le quidam commença à les critiquer sans retenue. Face à ces commentaires, Apelle de Cos lui aurait dit la chose suivante : “Ne supra crepidam sutor iudicaret” (« Que le cordonnier ne juge pas au-delà de la sandale« ). D’où le néologisme approximatif de « ultra-crépidarien », soit ‘celui qui pérore au-delà de sa sandale’. Plus récemment, cette approche du savoir a même été élevée au rang de biais cognitif, sous le nom d’effet Dunning-Kruger, qui montre combien les personnes qui ont le moins de compétences cognitives et intellectuelles ont tendance à surestimer leurs propres capacités. Plus précisément, la tendance à tenir un savoir pour vérifié… parce le seul fait qu’ils croient le savoir. A ce propos, la lecture de l’ouvrage Croiver, Pourquoi la croyance n’est pas ce que l’on croit du neuroscientifique Sebastian Dieguez [Dieguez, 2022] est éclairante et, c’est la mode, suggère un néologisme amusant : la croivance.
A défaut d’une sincère intuition, croire sans savoir, accepter sans vérifier, penser connaître sans s’être pleinement approprié la teneur d’un propos, accepter des pensées sans en faire d’abord des « objets de pensée », voilà bien le dérapage ‘religieux’ qui irrite le duo Nietzsche-Camus. On ne parle pas ici de la fonction religieuse telle qu’évoquée par Jung mais de son renversement, de la crédulité, de la conjuration des imbéciles, des paris pascaliens ou de l’arrogance du médiocre, au contraire de la raison pratique ou de la conviction sincère et éclairée.
Les chapitres précédents l’ont exploré : les écailles sur les yeux sont de différentes natures, qui nous tendent des pièges lorsque nous croyons savoir, nous croyons pouvoir affirmer. Notre aspiration au bonheur et aux plaisirs peut nous laisser avides et frustrés si elle n’est pas convertie en quête de satisfaction, d’équilibre entre nos aspirations et ce que le monde peut offrir effectivement. Nos cerveaux peuvent nous forger des œillères hormonales aux seules fins de nous préserver mais ils sont quelque fois « à côté de la plaque » ou excessifs. Notre soif d’explications, notre quête de sens nous fait fabuler des discours dont la vocation apaisante nous fait penser qu’ils sont des vérités (ainsi, la religion). Nous voulons ramener à la parole et aux mots une Vie dont la marche nous échappe, inquiets que nous sommes devant le Silence. La croissance exponentielle de l’information disponible nous égare, dilue notre force de pensée et le Tentateur des Anciens n’est pas loin quand nous nous laissons penser n’importe quoi (et il se trouvera toujours un autre ultracrépidarien pour abonder dans notre sens).
Souvenez-vous de l’exhortation d’Henri Gougaud, cité au chapitre précédent : Explorons ! N’essayons pas de résoudre l’énigme de la Vie avec des explications, comme si elle n’était qu’un problème, alors qu’elle est un mystère à explorer. Notre détresse n’est-elle pas attendrissante, quand nous sortons les calculettes pour conjurer ce Mystère ? Expliquer la Vie n’est pas se l’approprier et le triomphe de la raison, lorsqu’elle est confondue avec la logique, nous laisse aussi inquiets qu’un cœur de lapin dans un corps d’ours. De la même manière, à l’inverse, l’expérience aveugle, celle qui permet de sauter à l’élastique sans vérifier s’il est breveté, ne nous permet pas non plus d’apaiser le vertige devant le Mystère. Penser comme les autres, penser contre les autres ou ne plus penser, sont autant de variations sur le thème de « je n’ose pas travailler à ma connaissance par moi-même » (Kant nous regarderait en souriant : « pauvre mineur… »)
Quelles certitudes nous reste-t-il alors ? Comment fonder notre délibération et notre morale si tous nos repères sont aussi mouvants, voire fallacieux et biaisés ? Comme si ce n’était pas suffisant, pour être bien certain de préparer notre intranquillité contemporaine, le XVIIIe siècle a décapité en hurlant les rois du temporel et renvoyé en chambre le clergé du spirituel : nous voilà orphelins comme des enfants allemands au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Qui plus est, ‘de son côté, le XIXe nous a lancé sur la course folle du progrès positiviste et nous voilà en proie aux pires paniques, à manger nos doigts, alors qu’ils serviraient mieux à étrangler les acteurs d’un capitalisme – on le voit aujourd’hui – clairement nauséabond et qu’ils seraient bien utiles une fois replongés dans la terre ou réunis dans les mains de nos proches. Enfin, le XXe n’est pas en reste, qui nous a montré dans les camps jusqu’où l’homme peut plonger dans l’inacceptable et où, dans les salons, les gourous de la pensée occidentale ont fini de déstructurer le discours trop institutionnel des générations précédentes. Ont-ils ainsi laissé chacun libre de basculer dans des préoccupations trop individualistes pour permettre le vivre-ensemble, un vivre-ensemble qui doit désormais lutter chaque jour face aux exigences de repli d’une myriade de communautés exclusives ?
Dans ce monde-là, où suis-je à ma place ? La réponse est aisée même si elle n’est pas toujours facile à digérer : partout là-dedans ! Car ce sont des êtres humains qui ont brûlé les sorcières, qui ont inventé la pénicilline, qui ont incendié des maisons et étranglé des enfants, qui ont construit le Taj Mahal et composé l’Arietta de l’opus 111 pour piano… Ce serait penser à l’ancienne que de vouloir trouver sa place quelque part dans les vitrines que nous avons déjà évoquées, à un endroit donné, avec un statut particulier et un cartel qui renseigne nos titres et qualités. Ce serait penser en termes de vérités, révélées ou non, desquelles on pourrait déduire l’ordre du monde et ranger les phénomènes de la Vie selon une Classification Décimale Universelle. Serions-nous alors à notre place ? Les Anciens le pensaient et ils ont épuisé leurs forces à décrire des réalités qui ne se sont jamais laissé faire. Aujourd’hui, ces mêmes Anciens reposent au seul endroit où les allées sont organisées, avec des cartels de pierre mentionnant leurs titres et qualités, fleuris de chrysanthèmes…
La proposition est ici de renoncer à identifier cette ‘place où l’on serait à sa place‘, ce qui supposerait qu’elle existe, qu’elle puisse être décrite et que nous puissions y arriver un jour, se marier, être heureux et avoir beaucoup d’enfants. Pour compenser, une bonne nouvelle : faire le deuil des dogmes, des définitions et des explications logiques comme repères de notre moralité n’implique pas le chaos et n’exige pas que chacun s’équipe pour une expédition punitive dans la sauvagerie du monde ! Toujours dans Le mythe de Sisyphe, Camus raconte (car, c’est avant tout un romancier) comment l’homme castre sa liberté en se laissant guider par l’espoir d’un monde meilleur… après, au-delà. Face à l’inefficacité des dogmes, qu’ils soient scientifiques ou religieux, il acte qu’aucun discours idéaliste ne peut apaiser l’angoisse de l’homme face au monde qui persiste à être muet. On retrouve ceci dans un sobre et amusant poème de Mary Oliver [2012] :
Le matin, je descends sur la plage
où, selon l’heure, les vagues
montent ou descendent,
et je leur dis, oh, comme je suis triste,
que vais-je–
que dois-je faire ? Et la mer me dit,
de sa jolie voix :
Excuse-moi, j’ai à faire.
in A Thousand Mornings (2012, trad. Patrick Thonart)
Le motif du silence de la mer, du silence du Mystère, du monde qui ne prend pas la peine de s’expliquer n’est pas nouveau. Après Laô-Tseu, d’autres ont évoqué l’ineffable (« que l’on ne peut dire ») de la Vie… et notre tendance, pour compenser ce silence, à projeter sur elle nos fabulations, nos explications, nos fictions, le sens que nous avons mitonné dans nos réflexions ou nos intuitions. Cela sonne comme une preuve que c’est ce silence essentiel qui fait de nous l’Espèce fabulatrice [Huston, 2008]. Reste que cet impressionnant mutisme de la Vie, qui passe à côté de nous comme un éléphant trop gigantesque pour se soucier de nos pantoufles, est peut-être justement le fruit de notre attitude mentale : nous posons de pathétiques questions existentielles à la mer immense (à dieu, aux dieux, au fantôme de Grand-Maman, au Soleil, au Tarot ou aux étoiles, à la Science : biffez la mention inutile) sans vérifier sa capacité à nous répondre dans le même langage !
Mary Oliver a la poésie de lui donner la parole, plutôt que de rendre évident l’insupportable aphasie du Mystère par une image dont elle a le délicieux secret. Apôtre du lien à la Nature comme école de Vie, elle donne au texte un final qui n’est pas anodin : « j’ai à faire« , dit la mer en s’excusant poliment. Le premier chapitre de ce livre en faisait déjà ses choux gras, quand on y voyait que le bonheur n’était pas un état extatique spécifique mais qu’il résultait plutôt d’une activité satisfaisante. Pourquoi ne pas maintenir cette approche et renoncer à identifier « la place où l’on serait à sa place » pour plutôt écouter Mary Oliver qui nous chante que ce qui vit doit « faire ». Ou relire le mythe biblique dans lequel Adam (Adamah) est condamné à « gagner son pain à la sueur de son front » ? Il ne s’agirait plus de trouver ce lieu où on serait enfin à sa place (« Quand je serai grand, je serai…« ) mais, plus dynamiquement, de mener nous aussi des activités satisfaisantes, propres à nous apporter le sentiment d’être à notre place. Bref, renoncer au Graal sans cesser de pratiquer la Chevalerie !
Encore captif de l’ancienne manière, Camus se débat pour montrer combien l’Être est absurde, combien le monde peut être rangé dans la vitrine des choses dénuées de sens dans nos musées mentaux. Oracle de la pensée nouvelle (qui était déjà en gestation chez Heidegger, Cassirer et consorts), il pose néanmoins que le sentiment de l’absurde résulte de la différence entre, d’une part, nos attentes de sens et, d’autre part, l’absence de réponses aux questions que nous posons au Mystère (imaginez-vous en Stanley, au milieu de la forêt tropicale, tendant la main à un rocher et disant son célèbre « Docteur Livingstone, je présume ?« ). Pour faire court, cette génération de philosophes a généré un glissement formidable de la pensée : de l’impérieuse et docte nécessité de définir l’Être et l’Homme, on est passé à l’étude de l’Être-au-monde, en se concentrant sur la manière dont les femmes et les hommes sont actifs face aux phénomènes du monde qui les concernent. Exit Platon et son idéalisme, Enter Sisyphe et son caillou ! Le personnage du mythe convoqué par Camus « gagne son pain à la sueur de son front« , il fait ce qu’il doit faire sans s’arrêter et, propose Camus, « il faut imaginer Sisyphe heureux« . La leçon pour nous serait dès lors qu’il nous faut travailler à bien travailler plutôt que travailler pour arriver quelque part. « OK, me direz-vous, mais je fais comment ?«
Une belle image extraite du Phèdre de Platon est celle du char de l’âme. Dans ce dialogue, Platon l’Idéaliste compare l’âme à un char ailé conduit par un cocher et tracté par deux chevaux. Mais dans l’âme humaine, ajoute-t-il, un des animaux est enclin à tirer vers le haut, l’autre vers le bas, ce qui rend la conduite du véhicule fort périlleuse. Très tôt, le conducteur a été interprété comme la raison, les deux chevaux comme les désirs antagonistes en l’homme, l’un qui l’élève aux réalités supérieures, l’autre qui le plonge dans la matérialité du monde. Platon est comme la Suze : inimitable ! Et tellement prévisible : quand se pose la question du choix entre le Bien et le Mal, elle doit bien entendu être débattue – selon lui et, à sa suite, quasiment toute la philosophie occidentale – en tension entre, en bas, la matière répugnante et, en haut, la pureté des Idées. Raison, splendeur, esprit, idéaux, lumière infinie et vie éternelle en haut ; corps, finitude, affects, sexualité, déchéance et mort, en bas. Désolé pour le « philosophe au large front » mais l’existence d’Idées supérieures, immuables, de composantes sublimes de l’Être desquelles on pourrait déduire toute notre pensée n’a jamais trouvé grâce à mes yeux : trop court pour témoigner de la diversité de l’expérience, trop binaire pour illustrer les nuances de la beauté du monde et trop tentant pour ne pas constituer un réel danger mental, une peau de banane vers les tentations dogmatiques et totalitaires dénoncées par Cassirer (chapitre 3).
Reste que le dualisme entre les deux chevaux peut nous aider à visualiser ce que peut être « travailler à bien travailler ». Oublions le char ailé qui ne fait plus vraiment partie de notre imaginaire collectif et remplaçons-le par la charrue, qui permettra de mieux nous imprégner de la notion de travail :
Ce matin-là, Adamah sortit au devant de la ferme encore endormie et mena ses deux chevaux dans la cour, où il les harnacha et fixa une longe à chacun pour les guider sur le chemin, vers le champ qui lui restait à charruer. Il y avait un bon bout de marche avant de pouvoir travailler et il voulait en profiter pour habituer les deux bêtes puissantes à aligner leurs pas et à avancer de concert. Devant lui, à sa gauche, le plus jeune des deux chevaux était frémissant et soufflait tout le temps des naseaux ; racé et rapide, il convenait mieux pour la promenade et supportait difficilement le bât, manquant un peu de puissance quand le sol était plus dur à retourner. Aussi, Adamah avait-il enroulé plus fermement la longe autour de son avant-bras, afin de pouvoir immédiatement ramener au calme l’animal, si la fantaisie lui prenait de s’emballer. A sa droite, le vieux cheval de trait marquait le pas en silence, prêt à fournir tous les efforts pour peu qu’Adamah comprenne quand la faim ou la fatigue l’en empêcherait. La longe était souple sur son encolure et Adamah ne manquait jamais de lui parler doucement, avec une voix plus grave qu’à son habitude. La journée s’annonçait belle et les deux bêtes s’accordaient : le labeur serait bon et, ce soir, chacun reviendrait en sueur à la ferme, avec la satisfaction du travail bien accompli…
Dans cette histoire, pour « creuser son sillon », Adamah doit harmoniser les puissances de deux chevaux très différents, l’un bruyant et prompt à s’affoler, l’autre régulier et sans question. S’il tient la bride courte pour l’un, il peut faire confiance à la placidité de l’autre et lâcher prise, pour peu qu’il reste à l’écoute de ses besoins. Dans la fable idéaliste de Platon, le conducteur du char est la Raison, garante de l’équilibre entre le Bien et le Mal qui se disputent verticalement la conscience du sujet. Changeons les rôles et jouons l’allégorie comme ceci : Adamah n’est pas en danger d’être emporté vers les cieux divins par un des coursiers ou précipité dans les abysses du Malin par un cheval vicieux. S’il n’arrive à accorder le pas et la force de traction de ses deux complices, il ne pourra travailler convenablement et rentrera penaud, le soir, auprès des siens. Si les chevaux ne tirent pas ensemble sur la charrue, Adamah ne pourra suivre son sillon. Il est donc plutôt question ici d’harmonie entre deux tendances de notre délibération intime. Adamah joue le rôle de la conscience (de notre âme telle que définie au chapitre 2) : assise entre deux voix intérieures, elle doit composer pour continuer. Ainsi, le bras gauche d’Adamah est attaché fermement à un cheval fougueux, qui s’emballe facilement, et qui – surprise ! – incarne ici la raison, celle que l’on confond avec la logique et qui nous permet de générer les fabulations les plus débridées, pour peu qu’elles soient conformes à l’un ou l’autre discours. Les hashtags sont ici : #mots, #discours, #justifications, #dogmes, #autofictions, #angoisse, #visiondumondeapaisante… A l’autre bras d’Adamah, la longe est souple mais le lien fort avec l’animal : la puissance ne fera pas défaut mais Adamah devra rester vigilant et sentir les besoins du cheval avant que celui-ci ne s’arrête et refuse d’avancer, têtu qu’il peut être. Les mots-clefs sont dans ce cas : #vitalité, #pulsionsnaturelles, #idéevraie, #intuition, #silence, #respectdesbesoins, #wuwei…
Dans un tel scénario, il n’est pas nécessaire de lutter avec l’ange. Pas question de passer son temps à se justifier pour montrer son jour sublime, pas question de craindre la déchéance et la culpabilité qui en découlerait. L’objectif est simplement la satisfaction du travail (sur soi) bien fait et il peut être atteint si l’on reste bien centré, entre, d’une part, les discours sur le monde qui viennent à l’esprit et qu’il faudra intégralement soumettre à la pensée (on notera qu’ils sont autant composés de raison que d’affects) et, d’autre part, les intuitions et les besoins ressentis qui, sans verbalisation, restent présents grâce au lien que l’on entretient avec la Vie (le second nombril évoqué plus haut). Maîtriser d’une main, garder le contact de l’autre : Sisyphe n’aurait pas parlé autrement…
Plus n’est besoin alors de définir l’Être ou l’Homme, de décider si l’Ordre des choses existe ou si le monde est absurde, de statuer sur le Bien, le Mal et leurs origines respectives ? Pousser sa pierre avec le sourire permettrait-il de combattre le vertige existentiel ? Dans tous les cas, cela permet de revisiter les trois grandes valeurs platoniciennes : en faisant de chacune de nos pensées un objet de pensée et en ne permettant pas à nos folles fabulations de nous mener par le bout du nez, nous respectons le « vrai » ; en restant liés aux exigences de la Vie et en goûtant chacun de ses dons avec mesure, on savoure le « beau » ; enfin, en renonçant à poursuivre des chimères sublimes et en gardant le cap grâce à un baromètre unique – notre degré de satisfaction – nous nageons dans le « juste ». Voilà de quoi mettre tout le monde d’accord, non ?
Méditations septièmes : Marcher à l’Etoile
Un baromètre à cinq étoiles, vous connaissez. Ce dispositif vous a permis de savoir si le film que vous projetiez de voir ce soir a été accueilli avec enthousiasme par les autres utilisateurs de la même plateforme cinéma que vous (« un succès à 5 étoiles », « désormais, un must à 4,8 étoiles… »). C’est en regardant la cote obtenue par le gîte que vous pensez louer pour les fêtes que vous aller opter pour celui avec feu ouvert (« cote charme : 4,7 étoiles ») plutôt que celui avec le jacuzzi (« qualité équipement : 1,8 étoiles »). Voilà bien une notation quantitative (la compilation de toutes les évaluations chiffrées des autres utilisateurs) censée garantir la qualité de votre soirée ou de votre séjour en amoureux. Or l’un comme l’autre peuvent dépendre d’autres facteurs de bien-être, d’humeur ou de logistique qui, eux, ne pourront être évalués en ligne ou même prévus : avez-vous dû tourner pendant près de 40 minutes pour trouver une place de parking (c’était manifestement jour de sortie pour vos concitoyens) ? Votre partenaire sortait-elle/il d’une engueulade injustifiée avec son boss ? Le vin de la bonne bouteille que vous réserviez à cette première soirée intime devant l’âtre était-il « passé » ou presque madérisé ?
On le voit : la lecture quantifiée du monde (ici, la masse des votes en ligne) ne garantit pas la qualité de l’expérience vécue. Avis aux personnes contrôlantes et aux angoissés de l’imprévu : mesurer par le nombre ne donne pas la mesure de l’expérience vécue. S’il est des situations – entre autres, techniques – où la quantification est impérative, elle ne peut se limiter qu’à des phénomènes objectivables dans des termes communs (nombre de, température, taux de…). A défaut, on essayera de trouver un modèle partagé mais qui restera un pis-aller. Pensez à l’imprécision de cette nouvelle manière de partager la sensation de douleur entre patients et personnel infirmier : « Sur une échelle de 10, madame, combien donneriez-vous à ce que vous ressentez maintenant ? »…
Méditations septièmes : Le jongleur de mondes
Ah ! si les bourreaux mérovingiens avaient su à leur époque quelle fortune allait connaître le nom de leur instrument de torture, le tripalium, ou, plus précisément, le nom de l’endroit où ils dressaient ces trois pieux croisés sur lesquels ils fixaient leurs suppliciés, suscitant l’horreur (horreur voulue didactique) dans les yeux des petits et des grands, au point que l’Eglise précisa, au terme du Concile d’Auxerre (590) : « Il ne convient ni au prêtre, ni au diacre de se tenir auprès du trepalium, où on est torturé pour une affaire.«
L’étymologie populaire fait feu de tout bois et, aujourd’hui encore, sociologues et partenaires sociaux s’accordent pour faire remonter les origines du mot « travail » au latin vulgaire « trepalium. » Pour eux, c’est du pain béni que de pouvoir associer la douleur et la souffrance au travail, par le biais de l’étymologie. Une étymologie qui semblerait bien… erronée : un exemple de plus qui nous montre combien une idée, un discours n’est pas vrai simplement parce qu’il nous fait plaisir ou qu’il conforte notre raisonnement. Voire qu’il en constitue une poutre de soutien, car voilà bien une des hypothèses étymologiques les plus probables, comme l’explique Michel Forestier dans son article sur le sujet : « Emile Littré et Michel Bréal, deux linguistes du XIX° siècle, proposaient un autre éthymon, le latin trabs qui, au sens propre, signifie poutre et dans des sens figurés : arbre élevé, navire, toit, machine de guerre, massue, etc., bref des choses qui utilisent ou renvoient à la forme d’une poutre. Comme trabs a donné entraver, l’idée de contrainte y est bien présente mais sans la violence du tripalium. Cette étymologie pourrait également expliquer la dénomination de travail donné aux instruments de contention des chevaux.«
Si la notion de contrainte liée au travail est bien renforcée par l’analyse du bon vieux Littré, cette option – qui laisse de côté la souffrance, au profit de l’effort – nous convient parfaitement, en ceci que l’on définira ici le travail comme un « ensemble d’activités coordonnées visant à produire quelque chose d’utile« , en laissant de côté les sens voisins, liés au burn-out, à l’exercice d’une force en physique, aux accouchements ou aux craquements nocturnes des meubles en bois. Le « quelque chose d’utile » étant en l’espèce la sensation d’être à sa place. What else ?
Nous voilà ainsi passés des trois pieux de torture à trois travaux, au prix desquels nous pouvons nous entraîner à trouver l’assise nécessaire à une saine jonglerie : comment jongler sans stabilité ? Et, ne nous plaignons pas, Héraclès s’était vu assigner 12 travaux (et non des moindres) là où nous allons nous concentrer sur :
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- EXERCICE n°1. Pour pouvoir jongler, le jongleur doit maintenir son équilibre personnel. Si, à Hercule, on a imposé le nettoyage des écuries d’Augias, il nous revient également chaque jour de nettoyer les scories de nos états nerveux, les biais qui déforment notre vision personnelle et les diktats qui prétendent nous précéder dans notre pensée. Rassurer notre cerveau sur notre pérennité, neutraliser nos affects trop aliénants, évoluer dans une vision du monde pertinente et apaisante : autant d’alignements qui nous rapprochent d’une existence menée à propos et qui nous rendent capables d’accepter avec satisfaction ce qui nous arrive. Notre équilibre est à ce prix. Il nous revient de réduire l’écart entre ce que nous imaginons de nous-mêmes et notre activité réelle, en d’autres termes : réduire l’aliénation.
- EXERCICE n°2. Pour jongler utilement, le jongleur doit sélectionner en permanence les mondes qu’il va faire tourner dans ses mains (c’est une question de quantité et de qualité : pourquoi penser médiocre ?), il doit les reformuler dans des termes qu’il peut appréhender et s’approprier chacune de leurs logiques internes comme des opportunités de pensée, pas comme des faits établis. Ce n’est rien d’autre que raison garder devant la complexité et le multiple. L’utilité de notre pensée est à ce prix et notre énergie mentale n’est pas inépuisable. Nous devons en quelque sorte, réduire le monde.
- EXERCICE n°3. Enfin, pour trouver la satisfaction, le jongleur devra goûter la jonglerie même, dans l’exercice pragmatique de son humanité plutôt que dans la conformité à un idéal, dans son activité quotidienne plutôt que dans des aspirations sublimes, dans la pratique active de sa puissance plutôt que dans la quête de la reconnaissance. La Joie de vivre est à ce prix, elle permet d’aimer le monde.
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Et que ceux parmi vous qui voient encore dans ces tâches des défis herculéens, qu’ils me pardonnent de les avoir perdus en chemin et qu’ils essaient de concevoir la modestie d’une telle approche : si le sentiment d’humanité peut bien entendu se ressentir dans toute sa gloire théâtrale, avec tambours et trompettes, un sein dénudé et le drapeau brandi sur les barricades, dans des représentations sublimes (de soi), n’est-elle pas plus facilement accessible quand on prend un enfant dans les bras ? Camus lève le doigt, au fond de la classe, près du radiateur : « Je l’avais bien dit : il faut imaginer Sisyphe heureux.«
Méditations septièmes : Lire le zèbre
Horrible est le beau, beau est l’horrible.
Volons à travers le brouillard et l’air impur…
Shakespeare, Macbeth (1623)
Tout est dit. En prêtant ces propos aux trois sorcières qui accueillent Macbeth dans le premier acte de sa tragédie, Shakespeare résume des siècles de frustration intellectuelle, pendant lesquels l’Honnête Femme et l’Honnête Homme sont restés engoncés dans un carcan à deux options : c’est bien ou c’est mal. Point-barre. Et si d’aventure, les cartes étaient rebattues ou la distinction entre les deux états de l’âme floutée, la porte était ouverte à la confusion, au brouillard voire à l’impureté.
L’approche est parfaite pour ouvrir une tragédie : le but de ce genre dramatique étant de donner à voir la chute inexorable d’un personnage principal, aveuglé qu’il est par des « écailles sur les yeux » que les péripéties de la pièce n’aideront pas à élucider. Macbeth et sa Lady vont se débattre dans une sombre histoire d’où la Lumière a été chassée et, comme des papillons de nuit dans un abat-jour, ils vont continuellement buter contre deux murs opposés : le mur du Bien et le mur du Mal. Soit. Toute la finesse du Barde étant par ailleurs dans les nuances poétiques avec lesquelles il traduit les interrogations humaines. On lui passera cette conformité à la morale de son temps : il est d’autres textes où il a démontré sa liberté de pensée.
Le Juste, le Beau, le Pur… nous avons déjà eu l’occasion de démonter ces idéaux aveuglants et c’est avec la nécessaire « suspension volontaire d’incrédulité » que nous, spectateurs de la chute de la maison Macbeth, nous acceptons un manichéisme qui, dans la vie de tous les jours, tiendrait de la violence morale. Pour écrire une tragédie édifiante, Shakespeare était tenu de grossir le trait.
Reste que, au quotidien, ni Shakespeare, ni nous-mêmes ne sommes tenus d’être aussi binaires. A fortiori si l’on cherche ces trois choses de la Vie qui ne peuvent s’accorder d’une vision du monde en blanc-et-noir : vivre ensemble, marcher debout et connaître la Joie. Ce que nous avons déjà ramené à un sentiment qui fait du bien : être à sa place.
Bien entendu, tout membre d’une communauté donnée, de quelque bord qu’il soit, trouvera plus confortable de vivre dans un monde où ceux qui ne sont pas « nous » sont tous « les autres », sans autre discernement. Il est certain que le croyant, quelle que soit sa religion, devra moins réfléchir s’il divise le monde en deux clans distincts : ceux qui prient comme moi et qui ont raison, contre ceux qui ne prient pas comme moi et qui sont des mécréants ou des apostats. Sans doute, le scientifique se cantonnera-t-il aux faits prouvés scientifiquement dans le cadre de sa discipline et pourra-t-il adopter la même attitude dans tous les autres domaines, renvoyant au mystère tout ce qui ne peut être objectivé… selon lui. En cela néanmoins, il s’opposera à d’autres scientifiques qui ont pris le parti d’accepter que ce qui peut être affirmé dans le cadre d’un discours scientifique donné, peut être caduque dans un autre, opposant en cela le mode traditionnel du « ou bien… ou bien » (ce sera soit A, soit B) au plus ouvert « ou alors, encore… » (c’est A et peut-être B aussi), comme l’explique Vinciane Despret dans son éclairant ouvrage Au bonheur des morts (2019).
Car c’est bien à cette fin que ce livre est écrit : vous parler du zèbre blanc à rayures noires puis du zèbre noir à rayures blanches (puis des deux à la fois), afin de vous entraîner à ne pas juger a priori ou par conformité les objets de pensée qui sont soumis à votre délibération, à chaque instant de votre existence. Qui plus est, ce safari visuel parmi les zèbres devrait vous faire goûter la différence entre l’animal observé en site naturel et celui que vous pouvez découvrir dans les pages centrales des magazines de photo (le territoire et la carte). Cerise sur le gâteau, votre guide (ou le magazine en question) ne manquera pas de vous expliquer que les rayures de chaque zèbre (les blanches comme les noires…) constituent un pelage unique, un code-barre naturel à nul autre pareil !
Au terme de la promenade, j’espère donc avoir profondément frustré les crypto-techniciens qui attendaient une théorie nouvelle et qui n’auraient pas manqué de la commenter au départ de leurs normes. Par crypto-techniciens j’entends les intégristes d’un discours unique qui prétendent que les règles d’usage dans leur domaine d’expertise sont également valables dans la Vie partagée. A ce titre, les économistes thatchériens, les ingénieux ingénieurs, l’oncle Marcel qui en a vu d’autres ou les intégristes religieux de tous poils sont à mettre dans le même chaudron que l’ensemble des belles-mères qui savent mieux que les mamans comment langer leur bébé…
Chapitre 7 : Le Livre de la Jongle
où le travail du Jongleur de mondes est illustré en détail et son quotidien décliné en trois exercices salutaires
Temps de lecture : 27 minutesNotes de rédaction
- 1. Pouvoir jongler > travailler à son individuation en réduisant la vanité envers le sublime extérieur et le sublime intérieur (N.B. travail symbolique, travail critique, travail vital)
- 2. Jongler utile > ne soumettre à sa pensée ou à son intuition que les informations utiles au sein du pré carré de chacun (attention : individuation n’est pas individualisme)
- 3. Goûter la jonglerie > trouver la joie de vivre dans les activités satisfaisantes, la jonglerie
- faute de dogmes et de valeurs prédigérées, l’ô est face à l’absurde mais en conçoit sa liberté et le vertige ressenti n’est que la mesure de l’urgence de s’individuer
- absurde n’est que le delta entre l’appétit de sens de la « raison » (cheval bavard et sauvage) qui fabule pour se calmer et l’avance inexorable de la Vie (cheval de trait muet et obstiné)
- la sauvagerie n’est pas du côté traditionnel
- le monde n’est pas absurde mais la situation du paysan qui doit charruer avec ces deux chevaux-là est absurde et… absurde ne veut pas dire incohérent
- 5 branches de la Grande Santé (Nietzsche) : l’incarnation (chap. 2), le degré d’appropriation de la culture (chap. 3), la maîtrise de la verbalisation (chap. 4), l’hygiène informationnelle (chap. 5) et la confiance dans la vie (chap. 6)
- posologie
- boîte à outils
- transmutation par la pratique de pensée
- l’idée nouvelle est à lire comme un nouveau poème, il faut quitter sa logique et se glisser dans celle de l’autre, dans les mots qu’il fait couler de sa plume et, peut-être, découvrir une fenêtre sur le monde qu’on ne soupçonnait pas…
- faire la différence entre un traité philosophique à l’ancienne qui propose un système qui doit servir de vérité (réflexe de référence, à l’ancienne, pensée médiévale spéculative pour établir vérité du dogme) (revel) et les livres de dév perso qui fonctionne de la même manière (créer un modèle, une vérité) sur des sujets post-modernes (être-au-monde)… pas tous
- vérifier « moderne » et « post-moderne »
- à la différence de la transmission de savoirs (cfr. supra) il s’agit d’initier par l’expérience de pensée > appropriation
Ressources
- BARD A. & SÖDERQVIST J., Les netocrates (2008)
- BEETHOVEN L. van, Sonate pour piano n°32, Opus 111 (1820-1822)
- DIEGUEZ S., Croiver, Pourquoi la croyance n’est pas ce que l’on croit (2022)
- GRANDVILLE J.-J., Un autre monde (1844)
- HUSTON N., L’espèce fabulatrice (2008)
- KANT I., Qu’est-ce que les lumières ? (1784)
- NIETZSCHE F., L’Antéchrist (1888)
- OLIVER M., Une Ourse dans le jardin – Poèmes de Mary Oliver (recueil, trad. Patrick Thonart, 2023)
- PENA-RUIZ H., Dictionnaire amoureux de la laïcité (2014)
- SHAKESPEARE William (1564-1616), Hamlet (1623)
- PLATON, Phèdre
Illustrations
Grandville J.-J., Le jongleur de mondes (1844) © BnF